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Recours d'un copropriétaire pour annuler un règlement d'immeuble sur les locations

Recours d'un  copropriétaire pour annuler un règlement d'immeuble sur les locations

Appel d'un jugement de première instance - Recours d'un  copropriétaire pour annuler un règlement d'immeuble sur les locations – Pouvoir du syndicat de restreindre l'exercice du droit d'un copropriétaire de louer sa fraction – Question de caractère commercial des activités de location – Justification de la restriction des droits des copropriétaires en raison de la destination de l'immeuble

·         En première instance, le copropriétaire a tenté sans succès de faire annuler un règlement, adopté par le syndicat, qui limite son droit de louer ses appartements et il se pourvoit.

·         À l'origine, l'immeuble du syndicat est construit à titre d'immeuble locatif résidentiel. En 1982, il est transformé en une copropriété comportant 132 unités privatives à usage résidentiel.

·         Le copropriétaire, son épouse, sa fille et une société sous son contrôle sont propriétaires de huit appartements acquis entre 1990-1993.

Le copropriétaire occupe avec sa famille un des appartements et les autres appartements sont loués.

·         De façon générale, le groupe Kilzi tente de louer ses appartements pour des périodes d'une année, mais lorsque cela n'est pas possible, il accepte de le faire pour des périodes plus courtes.

·         Plusieurs copropriétaires étaient mécontents des activités de location du groupe Kilzi y voyant une menace à la tranquilité des lieux et, par voie de conséquence, une diminution de la valeur de leur appartement.

·         le syndicat a adopté, en avril 1994, un règlement sur les locations

·         Ce règlement entrave les activités du groupe Kilzi à trois titres:

?      Aucune location de moins d'un an ne sera permise (sauf circonstances particulières et permission plus ou moins discrétionnaire des administrateurs du syndicat);

?      Des restrictions importantes s'appliquent à toute location pour les appartements en excédant des trois premiers dans le cas d'un propriétaire qui possède plus de trois unités (la location est alors permise uniquement à des membres de la famille proche);

?      Une société ne peut louer ses appartements à des tiers.

·         La déclaration de copropriété précise que la destination de l'immeuble est une d'habitation résidentielle

 communes et la répartition du coût de ces travaux;

·         Au moment où la déclaration de copropriété a été signée et enregistrée, le Code civil du Bas-Canada était en vigueur. Lors de l'adoption du Règlement sur les locations, le Code civil du Québec était en vigueur. Le Tribunal précise qu'il faut donc tenir compte des dispositions pertinentes des deux codes ainsi que des dispositions transitoires de la Loi sur l'application de la réforme du Code civil:

JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE

·         Pour adopter le Règlement sur les locations, le syndicat s'est appuyé essentiellement sur le caractère commercial de ces locations, ainsi qu'on peut le constater au préambule.  La juge de première instance a été d'avis qu'elle pouvait disposer de cette affaire sans s'attacher au caractère commercial des activités exercées par le groupe Kilzi;

·         Le tribunal de première instance a été d'avis que le règlement était valide puisqu'il ne modifiait pas la «destination» de l'immeuble. À cette fin, elle s'est interrogée sur les attentes des copropriétaires et «l'historique» de cet immeuble, en le comparant notamment à un immeuble locatif voisin construit à la même époque par les mêmes promoteurs;

·         Le tribunal de première instance a également écarté les arguments de l'appelant fondés sur la partialité, la discrimination, l'intention de nuire et l'atteinte aux droits acquis. Tout en reconnaissant que le règlement avait été adopté pour contrer les activités du groupe Kilzi, le Tribunal a jugé que les administrateurs du syndicat avaient agi de bonne foi dans l'intérêt des copropriétaires, et dans le respect de la loi et des dispositions de l'acte de copropriété;

PRÉTENTIONS DE KILZI EN APPEL

·         l'acte de copropriété ne contient aucune restriction relative à la location des parties privatives; tout au contraire, il prévoit expressément le droit de louer ses appartements et en régit les modalités;

·         Au moment où les huit appartements ont été acquis, aucune restriction n'était imposée à la location de ces appartements.Le syndicat ne peut donc pas le priver des droits qui lui échoient par l'acte de copropriété et ses contrats d'achat;

·         Kilzi reprend les arguments fondés sur la discrimination, l'intention de nuire et l'atteinte à ses droits acquis, et prétend également que le règlement n'a pas obtenu la majorité requise par l'acte de copropriété.

PRÉTENTIONS DU SYNDICAT EN APPEL

·         Selon le syndicat l'achat de plusieurs appartements et leur location constituent une activité commerciale prohibée par l'acte de copropriété, et le syndicat était donc parfaitement justifié d'interdire ces activités commerciales;

·         Le règlement a été adopté de bonne foi et dans l'intérêt général; il est conforme à la «destination» de la copropriété.

ANALYSE PAR LA COUR D'APPEL

·         Toutes les interdictions ou restrictions imposées par le règlement découlent de ce prétendu caractère commercial des activités du groupe Kilzi, alors que la copropriété a une vocation résidentielle;

·         Le Syndicat a sans doute raison de prétendre que le groupe Kilzi exerce des activités commerciales en achetant sept appartements pour en faire la location. Il n'est pas difficile de démontrer la nature commerciale de ces activités, au sens de l'ancien Code, ou d'affirmer qu'elles constituent l'exploitation d'une entreprise, au sens du nouveau Code;

·         Par contre, il ne s'agit pas de déterminer si la détention de plusieurs appartements constitue une activité commerciale, mais plutôt d'examiner les activités à l'intérieur des appartements pour savoir si elles débouchent sur une occupation résidentielle ou commerciale;

·         L'acte de copropriété vise à interdire les activités commerciales à l'intérieur des appartements et non pas à empêcher qu'un «commerçant» soit propriétaire d'un appartement lorsqu'on écrit:  «les parties exclusives (unités de logement) ne serviront à l'exercice d'aucun commerce ou entreprise commerciale»;

·         Les activités du groupe Kilzi ne peuvent être interdites pour le motif qu'elles constitueraient, au sens de l'acte de copropriété, «l'exercice d'un commerce ou d'une activité commerciale»;

·         En principe rien ne s'oppose au droit du copropriétaire de louer sa fraction. Comme tout propriétaire, il peut en user et en jouir librement (1063 C.c.Q.). Les dispositions précitées tant du Code civil du Bas-Canada que du Code civil du Québec aménagent de façon explicite les règles devant guider les relations triangulaires copropriétaire-locataire-syndicat. De plus, l'acte constitutif de copropriété réfère explicitement à la location. Enfin, il faut dire que le règlement visé n'interdit pas toute location;

·         Si, en principe, le droit à la location ne pose pas de difficulté, il en va tout autrement des limites imposées à ce droit.  Cette difficulté tire son origine de l'une des balises juridiques mise en place pour en contrôler l'exercice :  la destination de l'immeuble;

·         La destination de l'immeuble est le facteur utilisé à la fois pour limiter les prérogatives de la collectivité et les droits individuels des copropriétaires.  Reprenons les articles 1056 et 1063 C.c.Q.;

·         Tout en faisant de cette notion un pivot fondamental du régime de copropriété, le Code civil du Québec s'abstient toutefois de la définir, et la notion de la «destination de l'immeuble» est au cœur d'une polémique doctrinale;

·         Le rôle important que le législateur a réservé à cette mesure de contrôle en matière de copropriété commande le recours au concept élargi de la notion. À défaut, il sera impossible de déterminer la légalité de la conduite d'un copropriétaire ou de la validité des restrictions qu'on veut lui imposer;

·         Il y a donc lieu d'appliquer à l'espèce la notion «élargie» de la destination de l'immeuble.

·         Le règlement n'a pas pour effet de modifier la destination de l'immeuble; il s'inscrit plutôt dans le prolongement de cette destination. En conséquence, son adoption ne nécessitait pas l'unanimité des copropriétaires;

·         la validité du règlement sera maintenue en autant qu'il ne nie pas le droit à la location, mais en aménage l'exercice par des règles qui sont justifiées par la destination de l'immeuble;

·         Le règlement en cause vise trois situations différentes: la location par une personne morale, la propriété de plus de trois unités, et la location à court terme;

·         L'article du règlement portant sur la location par une personne morale a pour effet de nier un droit à la location plutôt que d'en régir l'exercice et celui-ci doit donc être déclaré invalide. La personne morale de droit privé ne peut louer à des tiers et cela a pour effet pratique de l'empêcher de louer sa partie privative;

·         L'article du règlement limitant à trois le nombre d'appartements qu'une personne physique ou morale peut posséder; il ne peut être justifié puisqu'il nie le droit de location, plutôt que de fixer les modalités de son exercice.

·         Les trois autres articles ont pour objet d'interdire la location pour des périodes inférieures à douze mois, sauf circonstances exceptionnelles;

·         Le fondement invoqué pour l'adoption du règlement n'est pas retenu (le caractère commercial) mais la destination de l'immeuble permettait d'imposer les restrictions aux locations à court terme. Le tribunal n'a pas à substituer son appréciation à celle de la majorité des copropriétaires pour suggérer une période différente: trois mois, six mois ou neuf mois;

·         Ces restrictions confirment le caractère résidentiel de la copropriété et visent à assurer un exercice raisonnable du droit de location. Les copropriétaires, à la majorité, partagent ce point de vue et les articles en question pouvaient légalement faire l'objet d'un règlement et ils ont été légalement adoptés par le syndicat;

·         L'argument de Kilzi fondé sur la partialité et l'intention de nuire n'a pas été retenu par la juge de première instance et Kilzi n'a pas prouvé que la première juge a eu tort à ce sujet.

·         Compte tenu que règlement précise que la nullité d'un article n'entraîne pas nécessairement la nullité des autres et compte tenu que les diverses restrictions sont distinctes, il y a lieu d'accueillir en partie le pourvoi afin d'annuler les articles portant sur la location lorsque le copropriétaire est une personne morale, ainsi que celui limitant le nombre d'appartements qu'une personne physique ou morale peut posséder;


Me Kevin J. Lebeau, avocat

Diplômé de l'Université McGill (B.A.) et l'Université de Montréal (LL.B.), Me Lebeau est membre du Barreau du Québec depuis 2000.

Depuis 2001, il a exercé en droit immobilier avec concentration en droit de la copropriété dans plusieurs contextes, dont en milieu d'association, en société et en contentieux d'entreprise au sein d'une firme de gestion se spécialisant dans la gestion des copropriétés divise, Gestion Immobilière Ges-Mar Inc. Me Lebeau est également conseiller juridique aux membres d'Avantages Condo.

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