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La régisseure doit intervenir d’office pour assurer le respect d’une règle de preuve

La régisseure doit intervenir d’office pour assurer le respect d’une règle de preuve

LES FAITS.

Un locataire et un locateur se représentent eux-mêmes sans avocat à une audience tenue par la Régie du logement. Le locateur pour prouver des dommages, suite au départ non justifié du logement par le locataire, fait valoir verbalement l’existence d’un contrat de courtage immobilier et d’un contrat de publicité dans les journaux.

La régisseure à l’audience ne formule aucune objection devant la preuve verbale et accepte le témoignage du locateur comme une preuve recevable. Le locataire étant condamné à des dommages et intérêts décide de porter la décision en appel à la Cour du Québec. La Cour du Québec accepte la permission d’en appeler du locataire et rend un jugement que la régisseure aurait dû intervenir d’office pour refuser la preuve verbale et pour exiger la preuve par écrit du contrat.


DISCUSSION SUR LE DROIT.

En principe un tribunal ne doit pas intervenir d’office, c’est-à-dire sans que l’on lui demande, lorsqu’une partie fait défaut d’invoquer la règle de la meilleure preuve (1).
De plus, l’article 2859 du Code civil du Québec édicte que le Tribunal ne doit pas intervenir :
« Art 2859. Le Tribunal ne peut suppléer d’office les moyens d’irrecevabilité résultant des dispositions du présent chapître qu’une partie présente ou représentée a fait défaut d’invoquer »

Dans notre cas, le locataire ne s’est pas objecté à la preuve verbale parce qu’il ignorait l’existence de la règle de la meilleure preuve. Selon cette règle, s’il existe un contrat écrit, on doit prouver l’existence du contrat en produisant au tribunal l’original ou une copie. Le locataire a fait défaut d’invoquer l’irrecevabilité de la preuve à cause de son ignorance.

Selon l’article 63 de la Loi sur la Régie du logement, le régisseur doit apporter à chacun une aide équitable :
« Art 63. Au temps fixé pour l’enquête et l’audition, le régisseur appelle la cause, constate la présence ou l’absence des parties et procède à l’enquête et à l’audition.
Le régisseur instruit sommairement les parties des règles de preuve et chaque partie expose ses prétentions et présente ses témoins.
Le régisseur apporte à chacun un secours équitable et impartial de façon à faire apparaitre le droit et à en assurer la sanction ».

Selon le jugement de la Cour du Québec, les règles de preuve de la Régie du logement ont préséance sur les règles générales de preuve du Code civil du Québec :
« Ainsi, l’article 75 de la Loi sur la Régie du logement indique que le livre septième du Code civil, à savoir le livre de la preuve s’applique à la preuve faite devant la Régie, sous réserve cependant des articles 76 et 77 (2).
L’article 76 de la Loi sur la Régie du logement prévoit que la preuve d’un acte juridique constaté dans un écrit ou que le contenu d’un écrit peut être faite par tout moyen lorsqu’une partie établit que de bonne foi, elle ne peut pas produire ni l’original, ni unecopie dudit acte. Autrement dit, pour qu’une preuve verbale soit reçue par le Tribunal, une partie doit d’abord établir que de bonne foi, elle est incapable de produire cet écrit ».


CONCLUSION.

La Cour du Québec conclut que la régisseure aurait dû intervenir d’office lors de l’audition du dossier et aurait dû demander la production d’écrits avant de permettre une preuve verbale d’un contrat de courtage et de publicité dans les journaux :

«Étant donné qu’en vertu de l’article 63 de la Loi sur la Régie du logement, le régisseur doit apporter à chacun un secours équitable et impartial de façon à faire apparaître le droit et à assurer la sanction, le Tribunal est d’avis que si une partie non représentée cherche à administrer une preuve testimoniale sans établir préalablement qu’elle ne peut produire ni l’écrit, ni une copie de cet écrit, le régisseur doit intervenir de façon à faire apparaitre le droit et à en assurer la sanction » (3).

La Cour du Québec a référé le dossier à la Régie du logement pour qu’elle procède à un nouveau procès.


(1) Dumouchel c. Dufour-Tremblay, 2006, QCCQ 3629, par.34.
(2) Robert c. Riberdy 2011, QCCQ 7065, par.10.
(3) Opus citare, note 2.

Me Robert Soucy, avocat

Me Robert Soucy, auparavant régisseur devant la Régie du Logement du Québec, membre du Barreau du Québec depuis 1979, oeuvre auprès des propriétaires depuis 1984.

Il a donné de nombreuses conférences autant pour le Barreau du Québec que les membres de l'Association des propriétaires du Québec. Ainsi qu'écrit des articles dans le mensuel "Le Propriétaire".

Avocat connu et reconnu, il représente les propriétaires de logements locatifs devant la Régie du logement et devant diverses médias.

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