Un propriétaire peut utiliser les services d’un huissier pour signifier à son locataire un avis d’augmentation de loyer.
Parfois, en l’absence du locataire à son logement, le huissier peut
laisser une copie de l’avis d’augmentation sous l’huis de la porte et
faire rapport qu’il a signifié l’avis en laissant une copie sous l’huis
de la porte.
Le droit applicable
Selon la jurisprudence bien établie (1), le rapport du huissier ne
constitue pas un acte authentique dans les circonstances et il ne
bénéficie pas de la présomption d’authenticité ou de véracité. Le
propriétaire ne peut pas se contenter de déposer le rapport du huissier à
l’audience. Le huissier se devra d’être présent à l’audience, y prêter
serment et répondre devant le tribunal aux questions tant du locateur
que du locataire.
Le rapport du huissier déposé en preuve par le propriétaire est
irrecevable parce qu’il contrevient à la règle de la meilleure preuve et
il ne peut pas être déposé hors de la présence de son auteur, soit le
huissier.
Lorsque le huissier signifie une lettre, un avis d’augmentation du loyer
ou un avis de reprise de logement, il n’agit pas selon la Loi sur les
huissiers (L.R.Q., ch. H-4). Il est alors considéré comme un témoin
ordinaire ou comme un simple livreur. L’avis d’augmentation de loyer
n’est pas un acte de procédure émanant d’un tribunal.
La Loi sur les huissiers définit un huissier comme suit :
« huissier : un officier de justice habileté à signifier les actes de
procédure émanant de tout tribunal, à mettre à exécution les décisions
de justice ayant force exécutoire et à exercer toute fonction dévolue à
un huissier en vertu de la loi ».
Selon la jurisprudence (2), il n’est donc pas nécessaire de contester ce
rapport par une inscription en faux, une procédure qui n’existe pas
devant la Régie du logement. Il s’agit d’un simple écrit sous seing
privé, produit en l’absence de son auteur, lequel peut être contredit
par toute preuve, y compris le témoignage de la partie adverse. Les
tribunaux supérieurs ont maintes fois statué que lorsque le locateur
doit donner un avis d’augmentation au locataire, cela implique que le
locataire doit avoir reçu l’avis en question et qu’il appartient au
locateur d’en faire la preuve :
« Il faut se rappeler que le locateur a l’obligation de faire parvenir
l’avis au locataire et que c’est à lui qu’incombe le fardeau d’en faire
la preuve. C’est donc à lui de prendre les dispositions nécessaires,
surtout en vue de prouver la réception. » (3)
Contestation du locataire
À l’audience, le propriétaire veut déposer le rapport du huissier
mentionnant qu’il a laissé une copie de l’avis d’augmentation sous
l’huis de la porte. Le locataire peut alors contester oralement en
présence du régisseur le contenu du rapport du huissier et affirmer
qu’il n’a jamais reçu l’avis de modification du bail.
Si le régisseur trouve la version du locataire crédible, il pourrait
déclarer que l’avis n’a pas été donné ni reçu par le locataire. La Cour
du Québec en a jugé ainsi :
« À cet égard, le locataire n’a pas besoin de contester le procès verbal
qui atteste simplement du fait que l’avis a été laissé sous l’huis de
la porte ou dans sa boîte aux lettres. Ce que le locataire a affirmé
devant le régisseur, c’est qu’il n’a pas reçu ledit avis. La
signification de l’huissier bien que légale, n’a pas été faite
personnellement. Au mieux, elle constitue une présomption de fait que le
locataire a reçu l’avis et cette présomption peut être repoussée. En
effet, le régisseur a apprécié le témoignage du locataire qui a affirmé
n’avoir jamais eu connaissance de l’avis envoyé. » (4)
Conclusion
Si le propriétaire utilise les services d’un huissier pour donner un
avis d’augmentation de loyer, le huissier devra livrer l’avis à une
personne raisonnable en charge du domicile ou à la partie en personne.
Si le huissier dépose un rapport où il mentionne qu’il a laissé l’avis
sous l’huis de la porte, il est possible que le locataire nie avoir
trouvé ledit avis, ce qui entraîne le rejet de l’avis d’augmentation.
Toutefois, dans un souci d’équité, le tribunal peut replacer les parties
dans le même état et permettre au propriétaire de déposer une nouvelle
demande de fixation de loyer, dans un délai d’un mois suivant la date de
la décision rejetant ledit avis. Le propriétaire ne perd pas son droit à
l’augmentation de loyer mais il sera obligé de refaire une demande de
fixation de loyer, ce qui entraîne d’autres coûts et une perte de temps
inutile. (5)
1. 530 MacDonald Inc. c. Krupp. R.L. 35 910306 128V- 920729; 6 juillet 1992;
2. F.D.L. Cie ltee c. Tremblay R.L. 35 900226 038G, 11 avril 1991.
3. Bon Apparte c. Brousseau. C.Q. 500 80 000114 026, le 28 octobre 2003. Juge Pauzé.
4. Bon Apparte c. Rivera. (2003) J.L.C.Q.
5. Capital B.L.F. c. E. Gavrina. 2010 QCRDL 36807;
Signifier un avis d’augmentation de loyer par un huissier peut être risqué
Publié le par
Me Robert Soucy
Sujet(s): Juridique,
Source: Messier Soucy Avocats
Note aux lecteurs : Ces articles sont des résumés de décisions rendues dans les affaires citées. Veuillez noter qu'il ne s'agit pas d'une revue de la jurisprudence et que d'autres décisions peuvent être rendues par la suite ou être différentes et changer l'état du droit. C'est également le cas si les faits ne sont pas les mêmes que ceux présentés dans l'affaire mentionnée.
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